Il n’y a pas qu’aux États-Unis que certains livres sont retirés des étagères. Les Bibliothèques de la Ville de Montréal emboîtent le pas avec le retrait de deux bandes dessinées du Français Bastien Vivès, nous apprenait samedi Le Devoir.
Les raisons du bannissement de plusieurs centaines de livres des bibliothèques scolaires et publiques américaines divergent cependant. À l’picture du livre jeunesse Le rose, le bleu et toi ! de l’autrice québécoise Élise Gravel, qui aborde la question de l’identité de genre.
Ce que les Bibliothèques de Montréal reprochent aux bandes dessinées Décharge mentale& et& Les melons de la colère& de Vivès – destinées à un public adulte – c’est la «présence d’illustrations pédopornographiques réalistes et très explicites; de violences sexuelles illustrées et non dénoncées perpétrées sur des personnes mineures; d’absence de consentement des personnes mineures impliquées (entre 10 et 17& ans); de la présence de nombreuses scènes illustrées d’inceste», peut-on lire dans l’article du quotidien montréalais qui a eu accès à un courriel interne envoyé le 3& mars dernier aux Bibliothèques de Montréal.
Malaise et intimidation
Depuis qu’une pétition a forcé en 2022 le Pageant d’Angoulême d’annuler une exposition carte blanche de Bastien Vivès – la path du pageant invoquant des «menaces» contre l’auteur et les organisateurs – l’œuvre du bédéiste fait l’objet de plusieurs critiques. De plus, début janvier, une enquête préliminaire a été ouverte en France pour diffusion d’pictures de pornographie juvénile par la Brigade de la safety des mineurs à l’encontre de l’auteur et de deux maisons d’édition ayant publié certains de ses ouvrages.
Si le chroniqueur BD Jean-Dominic Leduc admire plusieurs créations de Bastien Vivès, il se souvient d’avoir ressenti un grand malaise lors de la lecture des Melons de la colère en 2011.
«J’avais acheté ce livre parce que c’est un Bastien Vivès, mais je ne connaissais pas la assortment bdcul [des éditions Requins marteaux]. À l’époque, j’avais eu un malaise, parce que j’y avais détecté de l’inceste.»
Il n’en avait pas fait de cas outre mesure, mais il était hors de query pour le chroniqueur de recommander ou même de parler de cette BD. Pour ce qui est des deux autres ouvrages qui font l’objet d’une enquête – Petit Paul (Glénat, 2018) et La décharge mentale (Les Requins Marteaux, 2018) – il admet ne pas les avoir lus.
Les choses ont évolué depuis et Jean-Dominic Leduc raconte qu’à la suite des révélations concernant Bastien Vivès l’année dernière, il a annulé une entrevue prévue avec l’auteur pour parler de sa plus récente parution.
«Mon problème avec Bastien Vivès, c’est surtout l’intimidation en ligne qu’il a fait sous un pseudonyme où il s’en est pris à une autrice [Emma] en disant qu’elle ne savait pas dessinée, que ce n’était pas intéressant et que c’étaient des affaires de bonne femme. Ça, j’ai un problème avec ça!»
Pour lui, cet événement est symptomatique du machisme qui prévaut encore dans le milieu de la bande dessinée.
Un problème de centralisation
Mais pourquoi le réseau des Bibliothèques de Montréal a-t-il acquis ces BD de prime abord? Il est indiqué dans le courriel interne cité par Le Devoir que «ces deux titres faisaient partie d’un achat de lot de BD érotiques. Ils n’ont donc pas été acquis délibérément».
Ancien libraire, Jean-Dominic Leduc croit que la centralisation des achats par les Bibliothèques de Montréal peut avoir contribué à cette «erreur», une pratique qui ne se fait pas dans les autres bibliothèques du Québec, soutient-il.
«[Les Bibliothèques de Montréal] ont coupé le contact entre libraire et le bibliothécaire, explique le chroniqueur. Quand ces gens se parlent, ils s’apprennent mutuellement des choses. C’est essential. À trop vouloir tout centraliser, eh bien, des erreurs comme ça, ça va arriver de plus en plus.»
Un exemple de cancel tradition?
Jean-Dominic Leduc considère que les Bibliothèques du Montréal ont pris une bonne décision en retirant les deux BD problématiques de Bastien Vivès. Il ajoute que ce retrait ne peut pas être comparé avec ce qui se passe aux États-Unis où des livres ont été bannis, voire brûlés comme en Ontario, pour des raisons idéologiques.
«Là, on ne parle pas de livres qui ont été bannis par une idéologie de droite ou de gauche, on parle de pédopornographie. C’est criminel», rappelle le chroniqueur.
Pour lui, les livres qui ont été mis à l’index ou brûlés parce qu’ils traitent de la Shoah ou qu’ils font une représentation datée d’une communauté culturelle relèvent plutôt d’un «manque d’éducation et de perspective» lié à un sure «dogmatisme».
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