Retour gagnant pour Rubbish: dans un beau fracas de machines et de guitares, la bande à Shirley Manson crie ses révoltes face aux dérives sexistes, racistes ou environnementales actuelles.
Ça faisait longtemps que le groupe américain, né il y a un quart de siècle et repéré avec des tubes comme Silly woman, n’avait sonné ainsi, tout en pressure.
No Gods no Masters (« Ni dieux ni maîtres »), titre de ce 7e album qui type ce vendredi (chez BMG) pourrait être un tatouage de sa cheffe de file Shirley Manson, native d’Edimbourg installée à Los Angeles.
L’Ecossaise n’a jamais eu sa langue dans la poche. Parler du sexisme ambiant ? Pas de problème, elle le chante abruptement dans Godhead avec cette punchline «Si j’avais une chew» («If I had a dick»).
À quoi échapperait-elle si elle était un homme dans l’industrie musicale ? «Il y a quelques jours, un critique m’a demandé pourquoi j’étais aussi en colère, si je ne devais pas me faire traiter médicalement… On se croirait revenus à l’ère victorienne !», confie-t-elle à l’AFP dans une interview en visio.
«À cette époque (19e siècle), quand vous n’aimiez pas ce que disait une femme, vos disiez qu’elle était folle, assène-t-elle. Si j’étais un homme, évidemment qu’on ne m’aurait pas dit ça». Et d’enchaîner: «un homme de ma famille m’a aussi demandé si je me considérais comme une musicienne… À 54 ans, après 25 ans dans le même groupe, c’est dur à avaler».
«Frustrant»
Toujours optimiste, Shirley Manson pense toutefois que les «jeunes générations, plus branchées sur ces questions, mieux armées», arriveront à «faire bouger les choses». «Moi, j’ai quand même grandi dans les années 1970 en Ecosse, une période très sexiste, ma mère n’avait même pas son propre chéquier !».
La tête pensante de Rubbish n’est pas non plus restée assise les bras croisés pendant toutes ces dernières années. Dans son podcast The bounce, elle entraîne les artistes en interview à s’éloigner de la musique, de l’artistique pur, pour aborder des sujets sociétaux.
Mais certaines brûlures ont du mal à cicatriser. «Quand j’y pense, on a toujours dit de moi, elle écrit juste les paroles ou elle chante juste les chansons, elle est charismatique ou elle porte de beaux vêtements mais on n’a jamais parlé de moi comme d’une créatrice, c’est frustrant».
Toute la maîtrise de son artwork illumine pourtant Ready for God, où elle distille «l’horreur» des bavures policières racistes aux États-Unis. «C’était facile à écrire, les mots s’entrechoquaient dans ma tête. Mais au second de l’enregistrer, c’était peu après la mort de George Floyd, au beau milieu des manifestations Black Lives Matter, et je n’ai pu la chanter que deux fois et j’ai pleuré».
«Trois dures à cuire»
Shirley Manson trouve aussi la cible dans The lads who rule the world («Les hommes qui dirigent le monde») où elle revient sur les travers d’une société patriarcale, tout en ouvrant sur une planète aux ressources pillées et espèces animales menacées.
L’électro-rock de Rubbish, qui doit aussi beaucoup à Butch Vig, musicien-producteur (qui travailla sur le Nevermind de Nirvana il y a 30 ans), reviendra bientôt secouer les scènes. Avec en ligne de mire une tournée à l’affiche partagée emballante, aux côtés d’Alanis Morissette et Liz Phair.
«C’est une incroyable réunion, remarquable, avec trois femmes qui ont réussi à avoir une longue carrière dans la musique: c’est un message adressé aux jeunes générations, nous les musiciens restons vulnérables, il faut se serrer les coudes», souligne Shirley Manson.
«On a vu remark les jeunes artistes, laissés sur le bord de la route pendant la pandémie, ont été obligés d’abandonner la musique pour trouver un job alimentaire, c’est triste».
Et quand on lui demande remark elle appellerait cette tournée avec trois femmes-artistes aux fortes personnalités, elle lance évidemment: «la tournée de trois dures à cuire, bordel !».
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