L’Amérique selon Wintersleep

Metro Montreal

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Avec leur sixième album paru au printemps dernier, les rockeurs canadiens de Wintersleep lançaient un appel à la solidarité qui a vite reçu un écho des deux côtés de la frontière.

Ce serait un euphémisme d’affirmer que 2016 a été une grosse année à plus d’un égard. Lorsqu’on se rend au studio «mile-endois» des gars de Wintersleep, une formation de rock atmosphérique et mélodique qui roule sa bosse depuis déjà 15 ans, leur premier memento de l’année qui tire à sa fin est celui de l’enregistrement des voix de The Nice Detachment, leur sixième opus. Pour y arriver, le chanteur et guitariste Paul Murphy s’est barricadé… dans la salle de bains du studio, rien de moins.

«On avait entamé les enregistrements à Halifax, mais je suis vite tombé malade et on a dû tout reprendre à Montréal. Puisque c’est tellement bruyant dans notre studio, qui donne sur le boulevard Saint-Laurent, on s’est dit que je pourrais m’isoler dans la toilette», explique Murphy d’un air amusé. « Tony [Doogan, le réalisateur] l’a complètement insonorisée, et c’est là que je me suis vidé le cœur !»

«Nous avons contribué à la bande sonore du movie One Week [dans lequel un jeune Canadien atteint d’un cancer parcourt le pays sur sa moto], et je dirais que mes souvenirs de route à travers le pays ressemblent étrangement à ce qu’on y voit : le monument consacré à Terry Fox à Thunder Bay, le Huge Nickel à Sudbury… Les routes sont parfois hasardeuses, mais c’est un sacré beau pays.» – Loel Campbell, commentant le fait que Wintersleep n’en est plus à sa première tournée pancanadienne et que le groupe entretient un rapport au territoire que peu de gens ont la probability de vivre de façon aussi directe

C’est dans l’intimité de cette petite pièce à la vocation renouvelée que Paul a donné vie à un ouvrage introspectif et complètement désarmant dans ses appels à une certaine solidarité. Lorsque j’évoque le chanson Spirit, dont le chorus fait référence à un « grand détachement dans tes yeux » (le nice detachment du titre de l’album), Murphy m’explique qu’il voulait aborder ce qu’il perçoit comme un courant égoïste et individualiste qui traverse différentes strates de la société et qui ne laisse présager rien de bon.

«J’aimerais qu’on soit tous un peu plus conscients de ce qui se passe dans notre entourage au lieu de nous isoler dans notre petite bulle et de nous retirer carrément de l’espace public», affirme le chanteur et nouveau papa, qui se réjouit d’avoir pu reprendre le rythme d’une tournée pancanadienne après plus de trois ans d’absence.

Amerika, chanson phare du nouvel album, se penche précisément sur l’avenir incertain auquel notre continent est confronté, voire sur la fin d’un sure âge d’or. Écrite il y a presque trois ans mais dévoilée au public au début de l’année, en pleine course électorale américaine, cet hymne rock hypnotique et hyper accrocheur résume fichtrement bien l’incertitude politique qui a marqué les derniers mois.

Inspirés par un poème de Walt Whitman datant de 1888, les gars de Wintersleep ont donné une toute nouvelle tournure à la imaginative and prescient du pays qu’avançait à l’époque le célèbre humaniste américain. Et l’ironie du destin a fait en sorte qu’en l’espace de quelques mois, la cost symbolique de la chanson a encore une fois grandement évolué, d’abord alimentée par une obscure d’enthousiasme pour le candidat Bernie Sanders mais au ultimate indissociable du mantra de Donald Trump («rendre sa grandeur à l’Amérique»).

«Avant son élection, lors-qu’on jouait la pièce dans des salles de spectacle, on pouvait y voir une mise en garde», dit le batteur du groupe, Loel Campbell. « Maintenant, on peut faire une lecture beaucoup plus littérale des insinuations tragiques de certaines paroles. Mais je crois aussi que c’est ce qui fait la beauté d’une chanson. Elle peut prendre une tout autre signification cinq ans plus tard, et ceux qui l’écoutent alors ont un rapport complètement différent à celle-ci.»


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