Les sangsues amicales

Metro Montreal

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Plus d’un an, déjà, depuis l’élection du gouvernement Trudeau. Aucune anicroche majeure, aucune controverse trop sérieuse. Qui plus est, le contraste avec le régime Harper est, du moins sur le plan de la forme, parfaitement hallucinant. Un peu comme si, pardonnez l’analogie sportive, les citoyens canadiens venaient de réaliser une mégatransaction. Un coup fumant. Le vol de la Brinks.

D’un côté, un ex-premier ministre hargneux, méfiant et médiaphobe. Dont les valeurs (canadiennes) se résument essentiellement à ceci : sécurité, hockey, Tim Hortons et sirop d’érable.

De l’autre, un nouveau premier ministre qui remet le Canada sur la patinoire de la diplomatie internationale. Qui, malgré une pente des plus abruptes, tente
un rapprochement avec les autochtones du pays. Guarantee un management sure d’harmonie sociétale. Vise à briser les barrières, les tabous. À remiser la politique belliqueuse du gouvernement précédent.

Parfait, le Justin? Évidemment pas. Pour seul exemple, une propension extreme aux relations publiques, laquelle peut avoir pour effet de taper sur le gros nerf. Et donner l’impression de noyer le fond par la forme. Mais bon, à tout prendre, disons que l’angle d’ouverture manifeste du nouveau PM constitue à la fois un baume et un contre-poids en cette ère de division, de paranoïa et de claques sur la gueule.

Un an déjà, donc. Période qui correspond, d’ordinaire, à la fin de toute lune de miel. Date butoir où, comme par magie, la tolérance citoyenne envers les actions politiciennes s’amenuise graduellement.

Si cette prémisse est juste, cela explique possiblement pourquoi la dernière affaire, voire le miniscandale, colle encore au dos du premier ministre deux semaines plus tard. Et pour trigger, si vous voulez mon avis.

On résume : Trudeau et sa famille quittent le pays tout juste avant le lancement des célébrations du 150e anniversaire. Déjà là, assez ordinaire. Mais la raison de ce départ hâtif est encore plus litigieuse : le premier ministre se rend aux Bahamas, sur l’île privée de l’Aga Khan. Qui est le bougre? Un chef religieux de la communauté ismaélienne. Milliardaire, par surcroît (toujours curieux, les leaders religieux bourrés de fric, mais passons). Pire encore : il determine sur la liste des lobbyistes à Ottawa. La cour n’est pas encore pleine? D’accord : sa fondation reçoit, pour des fins de projets de développement, 300 M$ par année du gouvernement canadien.

L’insulte à l’injure : une fois rendu sur place, Trudeau aurait voyagé à bord de l’hélicoptère personnel du milliardaire, alors que le code d’éthique fédéral interdit à tout ministre de voyager à bord d’appareils privés.

La réplique du chef du gouvernement canadien? L’amitié profonde qui lie sa famille à l’octogénaire. Drôle d’argument. En fait, c’est justement ce que visent à prohiber les tendencies sur le conflit d’intérêts : l’inconfortable promiscuité entre les dirigeants et les lobbyistes.

Faudra ainsi trouver un nouvel argument. Ou mieux encore : présenter ses excuses et éviter, à l’avenir, les pièges posés par les sangsues du pouvoir. Même les sangsues amicales.


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