OTTAWA — Une professeure agrégée en travail social de l’Université McMaster dit recevoir souvent la même query lorsqu’elle discute avec des femmes porteuses du VIH: «Vais-je être accusée si je me fais violer?»
Saara Greene et son équipe de chercheurs entendent fréquemment cette préoccupation pendant leurs ateliers avec des femmes sur la criminalisation de la non-divulgation du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Ce scénario ne s’est jamais produit, et il serait peu possible, mais Mme Greene souligne que c’est une inquiétude qui revient souvent chez les femmes séropositives qui tentent d’examiner l’influence de cette situation sur leur vie.
Selon Mme Greene, cette query récurrente souligne le fait que la state of affairs juridique actuelle peut avoir des conséquences distinctes — ou plus importantes — sur les femmes.
La loi, puisqu’elle est rigide, ne prend pas en considération l’expérience de la violence contre les femmes et toutes les barrières auxquelles elles doivent faire face pour dévoiler leur situation, selon la spécialiste.
La Cour suprême du Canada a statué que le consentement qu’une personne donne pour toute activité sexuelle peut être considéré comme invalide si son partenaire n’a pas révélé sa séropositivité ou a menti sur celle-ci.
Cela peut mener à une accusation d’agression sexuelle grave — c’est du moins le sort d’accusation le plus répandu — si le contact sexuel a entraîné la transmission du virus au plaignant ou qu’il l’a mis à risque de le contracter.
Le plus haut tribunal du pays a précisé en 2012 que ces tendencies ne s’appliqueraient pas si la personne porteuse du VIH utilisait un condom et avait une «faible cost virale».
La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a affirmé qu’elle était ouverte à changer la loi.
Le Réseau juridique canadien VIH/sida estime qu’au moins 180 personnes ont été accusées depuis 1989 relativement à la non-divulgation de leur séropositivité. Dix-huit d’entre elles étaient des femmes, dont la plupart étaient marginalisées et avaient vécu un sure sort de violence.
Des militants affirment que la criminalisation de la non-divulgation du VIH ignore le déséquilibre des forces entre les sexes, qui peut désavantager les femmes qui seraient plus réticentes à révéler leur situation, par crainte que ce soit utilisé contre elles éventuellement.
Le cas de D.C.
L’une des femmes ayant été accusées de non-divulgation du VIH est seulement connue par ses initiales, «D.C». Son file s’est rendu jusqu’en Cour suprême.
La femme avait appris qu’elle était séropositive en 1991 et, grâce aux médicaments antirétroviraux, le virus n’était plus détectable dans son organisme.
Elle a commencé une relation avec un homme en 2000 et a eu une relation sexuelle une fois avec lui avant de lui dévoiler sa situation. Ils ont éventuellement fondé une famille ensemble.
Quatre ans plus tard, elle a voulu mettre fin à la relation. «Elle a demandé au plaignant de quitter la maison, il a refusé. Quelques jours plus tard, D.C., accompagnée de son fils, est retournée à la maison familiale pour reprendre ses biens. La rencontre a été violente. Le plaignant a attaqué D.C. et son fils. Il a été accusé et reconnu coupable de voies de fait», a relaté la juge en chef de la Cour suprême, Beverly McLachlin, dans le jugement datant de 2012.
Quelques mois plus tard, l’ex-conjoint est allé se plaindre à la police quant à la séropositivité de D.C.
D.C. a été accusée d’agression sexuelle et de voies de fait graves. Son ex-partenaire faisait valoir qu’ils n’avaient pas utilisé de condom lors de leur première relation, alors qu’elle n’avait pas encore dévoilé sa situation, ce que l’accusée a nié.
Elle a été reconnue coupable, mais même le juge a dit qu’il avait du mal à ignorer l’élément revanchard dans toute cette histoire. «L’amertume est palpable», a écrit le juge québécois Marc Bisson en février 2008.
D.C. a gagné son appel, qui a été maintenu par la Cour suprême.
D’autres facteurs pourraient s’avérer plus nuisibles aux femmes, dont la nécessité d’utiliser un condom même si elles ont une «faible cost virale».
Selon certains militants, ce peut être particulièrement difficile pour les femmes, qui ne prennent pas la décision finale de mettre un condom ou non.
«Une femme devrait être dans une state of affairs où elle serait succesful de demander à son partenaire de porter un condom, de sentir que le partenaire respecterait son souhait d’utiliser un condom pour qu’elle ne soit pas dans une state of affairs où les conversations sur l’utilisation du condom la feraient craindre pour sa sécurité», a expliqué Mme Greene.
Elle affirme que cette state of affairs peut se présenter souvent pour les travailleuses du sexe.
Lenore Lukasik-Foss, directrice d’un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle à Hamilton, en Ontario, souligne qu’il y a de l’ironie dans le fait que la criminalisation de la non-divulgation du VIH puisse nuire aux femmes.
«Les gens peuvent peut-être croire à tort que cela protège les femmes, parce qu’on ne veut pas que les gens mentent, on veut qu’ils dévoilent leur situation. Cette capacité à divulguer présume que (les hommes et les femmes) sont sur le même pied d’égalité», a-t-elle soutenu.
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