Lorsqu’un véhicule se stationne dans une pente, ses roues doivent être orientées vers la chaussée afin de limiter la trajectoire du véhicule, advenant que les freins lâchent. Après avoir reçu un constat d’infraction pour avoir contrevenu à ce règlement – l’article 383 du code de la sécurité routière – un Montréalais a utilisé la science, par l’entremise d’un niveau à bulle, pour soulever un flou légal dans cette loi.
Si le patrouilleur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui a émis le constat d’infraction a jugé que l’endroit où le citoyen était stationné était une pente, le niveau à bulle posé par le citoyen sur l’axe routier de Côte-des-Neiges où le délit a été commis suggest une histoire différente. Sur une photograph prise par le citoyen, le niveau montre un degré d’inclinaison des plus négligeables. «Il me faut l’épaisseur d’un doigt ou d’une petite branche pour amener mon niveau de 16 pouces à l’horizontale», indique le citoyen qui considère que la soi-disant pente n’en est pas une. La route où il a reçu la contravention n’est pas plus abrupte «que presque toutes les routes de Montréal», dénonce-t-il.
Alors que l’article 383 du Code de la sécurité routière ne précise pas à partir de quand une certaine inclinaison de la route est considérée comme une pente, le litige entre le citoyen et le SPVM persiste dans une zone grise de la loi.
Mais qu’est-ce qu’une pente?
L’avocat Me Jack Rodriuez admet que «le problème, c’est que la loi ne définit pas c’est quoi une pente». Selon Me Rodriguez, la loi fait probablement «exprès de ne pas décrire le terme». Plusieurs problématiques seraient soulevées si «on précisait un degré pour parler d’une pente». Il serait notamment «plus difficile» pour les patrouilleurs de faire leur travail et de juger de si un comportement contrevient au sens de la loi.
«Comme le Code ne définit pas le terme, si un juge doit définir, il va probablement utiliser le dictionnaire et la logique», estime Me Rodriguez. Un jugement qu’un juge pourrait effectuer dans le contexte d’une contravention contestée serait «qu’une pente en est une si elle a un degré suffisant pour qu’un véhicule bouge seul avec la gravité», théorise Me Jack Rodriguez.
Un cas similaire est survenu en 2014 dans la ville de Saguenay. Le juge Alain Côté avait alors déclaré coupable le défendeur qui n’avait pas tourné ses roues lorsque stationné dans une pente, «considérant que le Code n’impose pas un pourcentage quelconque de pente pour faire naître l’obligation». Si dans ce cas-ci, la ville a gagné le procès et que la notion de pente du patrouilleur l’a emportée sur celle du défendeur, Me Rodriguez affirme que «la plupart des bénéfices quand il y a un doute appartiennent au défenseur».
Les policiers du SPVM donnent fréquemment des constats d’infraction en vertu de cet article flou du code de la sécurité routière. En 2021, 150 constats ont été émis pour des véhicules qui n’ont pas orienté leurs roues vers la chaussée la plus rapprochée, lorsque stationnés dans une pente à Montréal. Ce nombre a bondi à 401 en 2022 en date d’aujourd’hui, il atteint 120 depuis le début de l’année 2023.
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