La boutique de vêtements Koury sur la rue Fleury Est va fermer définitivement. À 83 ans, son propriétaire, Gabriel Koury, veut enfin profiter d’une paisible retraite après avoir servi ses shoppers durant 66 ans.
Sur la Promenade Fleury, c’est quand on voit votre enseigne qu’on sait où on se trouve.
Il y a quelqu’un qui faisait une joke, c’est le magasin Fleury sur la rue Koury. Une fois, on faisait des activités sur la Promenade et j’avais demandé à un commerçant si je pouvais déposer devant chez lui une sculpture de glace. Il m’avait répondu, tu fais ce que tu veux, la rue t’appartient. C’est drôle d’entendre ça.
Remark avez-vous choisi ce quartier?
Mon père est arrivé du Liban en 1904. Il avait environ 14 ans. Il a ouvert une boutique à Sainte-Agathe. Il a déménagé à Montréal en 1950 et il a acheté un commerce de vêtements pour hommes avec la bâtisse sur la rue Masson. En 1954, mes frères ainés Michel et Alan avaient besoin d’un autre magasin, parce qu’un seul ce n’était pas suffisant pour la famille. Ils ont trouvé un commerce à louer sur la rue Fleury, devant l’église [Saint-Paul-de-la-Croix]. Il n’y avait pas grand-chose dans le quartier en ce temps-là. C’était la campagne. Mon père avait dit, si ça ne marche pas, on lâche.
Participiez-vous au projet?
J’avais 17 ans à l’époque. J’étais encore à l’école. J’allais travailler les fins de semaines pour aider mes frères et sœurs. Mon père s’était retiré du commerce, mais il surveillait.
C’est comme cela que vous avez appris le métier?
À Sainte-Agathe, on avait aussi un magasin de vêtements. Pour moi ça faisait partie de mon terrain de jeu. Je baigne dedans depuis ma naissance en fait.
Quand est-ce que le magasin actuel a été ouvert?
En 1973, on a pris le terrain et on a bâti.
Prendre sa retraite à 83 ans c’est quand même exceptionnel. En même temps, on suppose que vous n’aviez pas l’impression de travailler.
Pour moi, c’était une habitude. J’avais du plaisir à habiller quelqu’un. Mais bien l’habiller. Pas juste vendre, mais bien servir un shopper. Quand on habillait un homme, c’étaient des sous-vêtements jusqu’au chapeau sur la tête. Comme dans les merceries d’antan. Ce modèle de commerce n’existera plus tantôt.
Pourtant cela a bien fonctionné durant de longues années.
Ça a marché parce que c’est native. Un commerce de quartier ce n’est pas comme sur une grande rue. Là-bas il y a plus de passants, plus d’étrangers. Il y a des gens qui sont devenus riches avec des magasins comme ça. Nous avons fait notre choix et il fallait vivre avec. Mais je n’ai aucun remorse d’avoir servi mes shoppers durant trois générations.
À quoi attribuez-vous votre succès ?
On avait de bons fournisseurs honnêtes et on essayait de satisfaire les gens. Comme mon père disait, si un shopper n’est pas content material, tu lui redonnes son argent, comme cela il est tout le temps heureux. Quand quelqu’un n’avait pas d’argent, mon père lui donnait les vêtements et disait tu me payeras quand tu pourras. Les gens apprécient la manière avec laquelle on les sert.
Les gens n’ont vraiment plus d’argent aujourd’hui?
C’est vrai que maintenant les gens dépensent ailleurs. Il y a plus d’articles qu’il n’y en avait avant. Les vêtements passent en dernier. On se demande où les gens achètent du linge.
Quand avez-vous observé le changement dans le comportement des consommateurs?
Cela fait à peu près une dizaine d’années. Je voyais cela venir. J’observais le changement et les nouvelles générations. Avant quand on allait dans les bureaux, tout le monde portait une cravate. Maintenant, les gens sont en jean et en t-shirt. Les gens veulent plus de loisirs. S’habiller est devenu secondaire.
Votre fermeture va vraiment changer le quartier.
Il n’y aura plus de magasins de vêtements pour homme.
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