Désir de discuter des auteures de Caresses magiques

Metro Montreal

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De 2010 à 2013, Sara Hébert et Sarah Gagnon-Piché ont animé Les Préliminettes sur les ondes de CISM. Dans cette émission au ton spontané, humoristique, mais abordant aussi avec sérieux des sujets qui l’étaient tout autant, les deux Montréalaises traitaient de la sexualité sous tous ses angles. «On était ouvertes, et les gens se sont ouverts en retour.» Cet échange a donné lieu à deux tomes de Caresses magiques. Des recueils de témoignages de femmes qui se proposent d’agir comme «un bouillon de poulet pour l’âme de la vulve».

Amies «depuis loooongtemps» (le primaire), Sara Hébert et Sarah Gagnon-Piché ont une complicité qui transparaît d’emblée. Elles se lancent des «t’es cute!», «ben là!», complètent les phrases l’une de l’autre. Il y a quelques années, les jeunes femmes, aujourd’hui trentenaires, ont créé une émission de radio. Anecdote et mise en contexte : avant même qu’elles aient décidé ce dont elles allaient traiter («on voulait faire un truc vraiment sociologique, vraiment intense»), un copain leur a dit : «Ben voyons. Vous n’avez pas des voix assez suaves.» Pour déconner – et pour lui donner tort – elles en ont pris, des suaves de voix. Et elles se sont mises à dire des choses «osées, pas d’attract». De là est née l’émission en pause indéterminée Les Préliminettes (quand même, le nom), de laquelle est née à son tour la plateforme net Caresses magiques, qui a depuis donné corps à deux recueils imprimés.

Dans ces bouquins, Sara & Sarah ont regroupé des témoignages de femmes («ce n’est pas exclu que le prochain soit composé de témoignages de gars») qui traitent de la sexualité. Et qui vont tellement au-delà des articles qui clament (parce que évidemment tout le monde est pareil, ha) «prime three des choses qui feront CA-PO-TER monsieur», «5 choses que votre blonde veut. Maintenant», «7 trucs pour avoir du sexe plus attractive» ou autres conne… conseils du style. Ayant pour however «de s’épanouir et de discuter», le duo mise plutôt sur l’échange, sur le pas-de-faux-semblants. Et au diable la «efficiency».

Baignant dans la tradition indépendante, DIY, les complices misent aussi sur cet esprit dans leurs bouquins, beaux objets autoédités, tremendous artistiques. Essential : ce ne sont pas des nouvelles érotiques métaphoriques à l’extrême, de sort 50 («peu de», argumenteraient certains) nuances de Gray. «On veut dire les choses comme elles sont, explique Sarah GP. On n’est pas là pour offrir un voyage ésotérique au lecteur.»

Paru l’an dernier, le premier tome, qu’elles ont dirigé avec la bédéiste Sophie Bédard, s’intéressait au «parcours autoérotique». Mais une fois le tout imprimé, il restait encore à S. et S. «plein d’autres interrogations». Notamment : «Qu’est-ce qui se passe dans la tête des filles? Qu’est-ce qui génère leur désir, qu’est-ce qui l’éteint?»

Destiné «à toutes les femmes et aux personnes qui partagent leur vie», ce nouveau livre discover ainsi ces multiples questions. Y témoignent notamment une ex-caissière dans un cinéma X qui perçoit son «travail comme une blague ironique punk», mais réalise que «la pornographie s’est faufilée entre ses oreilles et s’est implantée dans son cortex cérébral». Puis cette jeune femme qui, dans un poème intitulé Je déteste le mot fantasme décrète exactement ça. «Je le trouve laid, d’une autre époque / $fantasme$ / si on l’écrivait entre deux signes de piasses / ça ferait plus contemporain». Il y a aussi cette amoureuse et maman qui rêve simplement «d’avoir du sexe de qualité en bonne quantité avec sa blonde, sans penser au lendemain» et à toute la logistique avec les enfants, l’école et tout. Et cette auteure qui chronique sur une solitude qui pèse. «Je paye mes comptes seule, mon loyer tu-seule pis je me baise itou toute seule. Finalement, mes caresses ne sont pas si magiques que ça.»

Au sommet de chaque texte, le nom de plume de l’auteure, son année de naissance. Pourquoi? Easy. «Certaines personnes plus vieilles qui ont lu les livres m’ont dit : oh mon dieu, je ne peux pas croire que la faith ait encore un influence sur votre sexualité», remarque Sara Hébert. «En fait, c’est pour donner une idée, un référent, ancrer les mots dans l’époque, aider le lecteur à se situer», renchérit Sarah GP. Mon texte, dans le premier tome, on aurait pu croire que j’avais 60 ans!»

Dans le nouveau tome, cette dernière, pas sexagénaire, raconte, avec une touche d’humour, son esprit qui vagabonde en state of affairs intime, passant d’une pensée pour ses bobettes moches, à la rencontre de travail importante du lendemain, puis aux mille et une choses à faire du quotidien. «Même dans mes fantasmes, je ne m’en sors pas, je demeure rigoureuse, la tête hyperactive.»

Directe, Sara Hébert se souvient quant à elle à l’écrit des movies pornos des années 1990 qu’elle a regardés en cachette, petite, avec des amis plus vieux. Ces movies où les femmes étaient belles, où les hommes avaient des moustaches et où les scénarios étaient un peu poches (mais y avait-il un scénario?). «Un jardinier qui séduit l’épouse oisive d’un millionnaire. Un fermier et sa voisine égarée.» «Je me demande souvent, dit-elle, ce serait quoi mon imaginaire érotique si ce n’était pas de ces movies? Puis, est-ce que les prochaines générations qui ont grandi avec YouPorn auront des imaginaires érotiques différents? Et remark jumeler ma philosophie féministe à mes fantasmes?» D’ailleurs toute leur démarche se place dans ce désir d’interroger, d’explorer, de comprendre. Ne pas juste dire c’est mal, c’est bien, ça non. Les amies insistent : «On ne suggest pas de réponses définitives. On suggest des réponses personnelles.» Juste ça. Tout ça.

Les tomes I et II des Caresses magiques sont disponibles sur le website des auteures et dans des librairies indépendantes, dont Drawn and Quaterly et L’Écume des jours


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